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Paroles, paroles
d’Ariel Frailich
Chaque tour a besoin d’une présentation, sinon le tour n’est qu’un tour, une prouesse, un puzzle. Il est très difficile de communiquer l’idée de magie avec ce genre de chose.
Pour trouver un présentation pour un tour, j’eassie de comprendre l’effet pour commencer. Ceci semble évident, mais parfois l’aspect technique d’un tour peut être tellement compliqué qu’on oublie l’effet, surtout dans la description de tours de cartes. En prenant ‘Twisting the Aces’ de Dai Vernon comme example, l’effet est que les quatre as se retournent face en l’air, un à la fois, lorsque les cartes sont comptées d’une main à l’autre.
Dès que je comprend parfaitement l’effet, j’essaie d’en trouver l’essentiel [l’essence?]. Dans l’example ci-dessus, je peux généraliser en disant que des cartes se retournent à plusieurs reprises. Ceci est également évident, mais ça me sera très utile pour la prochaine étape.
Ensuite, j’essaie de trouver la raison d’être du tour, l’idée maîtresse pour expliquer ce que je fais. Je pourrais, par example, simplement expliquer ce qui se passe dans la démarche du tour: les cartes se retournent. Mais, à mon avis, cela n’a rien de particulièrment intéressant: dire que ‘ces cartes se retournent’ est tout aussi banal que de dire ‘ce stylo écrit’ ou ‘ce Walkman joue de la musique’.
J’aime employer des situations qui sont analogues à la vie courante, parce qu’alors, les spectateurs peuvent établir un rapport entre ce que je dis et leur propre expériences. Mais qu’est-ce que ‘Twisting the aces’ a à voir avec la vie réelle? La description originelle que j’ai trouvée ci-dessus (les quatre as se retournent face en l’air, etc.) ne m’aide aucunement ici; par contre, la version qui explique l’essentiel du tour m’est très utile: en effet, l’idée ‘des cartes se retournent à plusieurs reprises’ est un excellent point de départ pour trouver des examples de la vie courante. Si j’isole l’idée principale — ‘retourner’ — je peux en trouver plusieurs: des crêpes, des CDs, des cassettes, mais aussi: se retourner, retourner sur ses pas, etc., et de là: faire volte-face, regarder de l’autre côté, et même rouler par terre, comme un chien. Chacune de ces idées peut mener à plusieurs idées de présentation. Celle du chien qui se roule par terre me plaît particulièrement et me donne l’idée que les quatre as sont des chiens dressés qui ont appris à faire des tours.
Le texte le plus simple consisterait simplement à montrer les ‘chiens’ faisant leurs tours. Le premier chien s’appelle Coeur: « Coeur, retourne-toi! » et l’as de coeur se retourne. (Note sur la traduction: en anglais, le verbe « to roll over » signifie ‘(se) retourner en roulant’, ce qui rend l’analogie entre une carte qui se retourne et un chien qui roule par terre tout à fait évidente; le petit jeu de mots est donc immédiatement compris. En français, l’analogie est un peu moins évidente et tend à faire penser soit à la carte, soit au chien, plutôt qu’a voir les deux concepts comme étant identiques.) « Trèfle, retourne-toi! » — et il le fait. « Toi aussi, Carreau! » Finalement, Pique se retourne aussi, mais il est un peu paresseux, ce qui fait qu’il faut le lui demander deux fois (avant de montrer que le quatrième as s’est retourné, je fais un comptage Elmsley supplémentaire pour montrer quatre cartes faces en bas). Ce texte est un peu banal, mais néanmoins un bon point de départ.
C’est une bonne idée d’ajouter des traits de caractère humains, parce que ça rend les personnages un peu plus vivants. Je peux employer les quatre couleurs comme point de départ. Le mot ‘coeur’ fait penser à gai et aimable. Le carreau ressemble à un diamant, d’où richesse, peut-être même snobisme. Le mot ‘trèfle’ fait penser à la feuille de trèfle, d’où nourriture et donc goinfre; le dessin fait penser à l’empreinte d’une patte, d’où marcher, courir, jouer, et salir le plancher. Le pique est plus difficile; le mot ne donne rien d’évident et le dessin non plus. Je me contenterai alors de dire simplement que Pique est paresseux, ce qui me donne une bonne raison pour la finale. Voici alors la deuxième version du texte: le premier chien (coeur) est charmant et affectueux, le deuxième (trèfle) mange tout le temps, le troisième (carreau) est un peu snob et le quatrième (pique) est paresseux. C’est déjà mieux!
Pour permettre un peu de participation, je demanderai au spectateur de m’aider en flattant les ‘chiens’. Le premier chien (coeur) ne d emande qu’à plaire; il vous suffit de sourire — le spectateur le fait — et il se retourne. Le deuxième (trèfle) mange tout le temps; dites: « si tu te retournes, je te donnerai un susucre »– le spectateur le fait — et la carte se retourne. Le troisième (carreau) est un peu snob et doit se faire prier; dites « Cher Carreau, veuillez avoir l’obligeance de bien vouloir vous retourner » — le spectateur répète — et la carte se retourne et vous dites: « et n’oubliez pas de le remercier! ». Quant au quatrième, il suffit de lui demander (le spectateur le fait mais la carte ne se retourne pas). Oh, le gros paresseux! Demandez-lui encore une fois… et voilà, il obéit!
Ceci est un bon début pour une présentation. J’ajouterais quelques commentaires humoristiques à propos des chiens, je trouverais une raison pour expliquer les manoeuvres du début du tour (lorsqu’on montre les as au début, le retournement de l’as de pique, etc.), et surtout, une raison pour parler de chiens en premier lieu.
Toutes sortes de variations sont possibles. Au lieu de parler de chiens, je pourrais parler de pingouins dressés, d’haricots sauteurs mexicains, d’ours qui dansent, etc.; plus c’est ridicule, mieux c’est. À l’autre extrême, je pourrais emprunter une idée de Punx en présentant une petit texte philosophique sur la recherche de la renommée, de l’honneur, de la fortune et de l’amour, ce dernier étant le plus difficile à acquérir mais aussi le plus louable et le plus durable de tous.
L’usage d’une histoire n’est qu’un moyen de présentation parmi d’autres. On peut aussi employer l’idée du magicien incompétent: le tour ne fonctionne qu’avec quatre as qui sont faces en bas, mais ceci ne se produit jamais. Il y a aussi l’histoire sentimentale: le tour que mon grand-père m’a montré qui m’a fait débuter en magie. Et bien d’autres.
Encore une fois, je peux aller dans n’importe quelle direction — du moment que la direction choisie convient à mon style et à ma personnalité.
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